Sibelius : Symphonie n°3 en ut majeur op 52

2024-06-10 45

L'Orchestre Philharmonique de Radio France interprète la Symphonie n°3 en ut majeur op 52 de Jean Sibelius sous la direction de Mikko Franck. Concert enregistré le 11 avril 2024 à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique.

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En septembre 1904, Sibelius emménage à Järvenpää, au milieu des pins, à une trentaine de kilomètres d’Helsinki, dans un pavillon qu’il nomme Ainola. En s’éloignant des tentations de la grande ville, il tient à distance le spectre de la boisson dont les incidences sur sa santé et sa vie familiale devenaient alarmantes. La Symphonie n° 3 doit-elle ses couleurs agrestes à cet environnement ? Son orchestration fait la part belle aux bois, notamment dans le mouvement central. Avare de tutti et d’effets spectaculaires, elle privilégie des textures légères et transparentes, à la manière d’une formation de chambre dont les teintes changeraient sans cesse. Certains éléments thématiques semblent styliser quelque danse paysanne (la mélodie des cordes au tout début de l’œuvre) ou plonger dans le climat des légendes nordiques (Andantino con moto). Plusieurs idées proviennent d’ailleurs de projets inachevés, dont un poème symphonique et un oratorio inspirés par le Kalevala.

Cette inflexion vers davantage de clarté s’accompagne d’une forme plus concise, d’un discours remarquablement fluide, tenu de bout en bout. Sibelius passe sans hiatus du thème rustique de la première page à quelques mesures vigoureuses de cordes, lesquelles conduisent à un troisième motif, énoncé par les bois. Un peu plus loin, les violoncelles chantent une nouvelle mélodie, ombrée de mélancolie, qui sonne moins comme un élément contrastant que comme la conséquence de l’élan initial. La partie centrale du premier mouvement est propulsée par un flux de valeurs brèves sur lequel se déploie le dialogue de solistes ou de groupes instrumentaux. À la fin d’une réexposition donnant plus d’ampleur sonore au matériau, la coda hymnique conclut l’Allegro moderato avec une solennité retenue et prépare à l’écoute de l’Andantino con moto. Irisé de subtils dégradés, le mouvement lent (mais pas trop) semble suspendu entre rêve et réalité, avec sa mélodie doucement chantée par les flûtes que rejoignent les clarinettes. L’épisode central, au tempo plus allant, apporte davantage de vivacité, tout en prolongeant ces couleurs pastel. Trois années furent nécessaires à l’achèvement de la symphonie.

Le dernier mouvement serait-il l’une des causes de ces difficultés ? Il s’écarte des schémas traditionnels en fusionnant de façon organique le scherzo et le finale (la partition comporte en effet trois mouvements, au lieu des quatre habituels). Dans cette « cristallisation de la pensée à partir du chaos », selon les termes du compositeur, chaque épisode découle du précédent et sert de tremplin au suivant. L’agrégation progressive des éléments participe à une progression culminant sur l’éclatante péroraison finale.

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